Article inédit du 21 juin 2015 (proposé à Boulevard Voltaire)
A ces mots on cria haro sur le baudet, ce
pelé, ce galeux d'où venait tout le mal. Ça tombe comme à Gravelotte
pour Florian Philippot depuis que Julien Rochedy a été débarqué de ces fonctions de président des
jeunes du FN et qu’il le canarde, lui et les petits mecs qui l’entourent d’assez
près, comme une poule d’eau à l’ouverture de la chasse !
Rochedy avait
tout pour lui -le charme, l’élégance et l’intelligence- mais parce que sa tête
avait enflé comme un melon et que son égo ne passait plus par les portes, il a
voulu brûler les étapes et devenir calife à la place du calife. Marine Le Pen
et l’âme damnée qui veille à ses côtés l’ont renvoyé à ses études et depuis,
fort déçu, le jeune Rochedy balance à tout va, et plutôt en-dessous de la
ceinture, très en-dessous même.
Haro sur Philippot, surenchérit aussi
Jean-Marie Le Pen, et avec lui les ultras qui restent au FN, qui dénoncent les
travers gauchiste et gaulliste du lieutenant de Marine Le Pen, parce qu'ils préfèrent le confort de l’opposition aux responsabilités du pouvoir et les avantages de la
posture tribunitienne sans les inconvénients d’avoir à faire des compromis et de nouer
des alliances.
Haro sur Philippot, lancent à leur tour les pragmatiques (Jean-Yves
Le Gallou,
Paul-Marie Couteaux, Robert Ménard), depuis les dernières cantonales, décevantes
pour les frontistes en
raison du mauvais report de voix des électeurs de droite, du fait des positions étatistes
et anti euro, ou celles sur le mariage homosexuel. Ces UMP-compatibles prônent une
ligne plus droitière libérale-conservatrice sur les mœurs et l’économie.
Haro sur Philippot, enfin de la part des identitaires, dont
Marion Maréchal Le Pen est devenue l’égérie et Aymeric Chauprade le
porte-parole, pour qui les menaces sur l'identité française du fait de l’islamisation
du pays, et du grand remplacement populationnel, est le combat prioritaire à
mener, alors que la patronne du parti tâche de se tenir à une distance
respectable des deux types d’obsessionnels -antijuifs ou antimusulmans- qui gravitent
autour du FN et qui pourraient nuire à son entreprise de dédiabolisation.
La France aurait
certainement besoin de plus de libéralisme économique, non pas en soi, par soumission
aux dogmes libre-échangistes, mais parce nous sommes en décalage avec un monde
qui a fait de la liberté d’entreprendre et de la primauté du capital sur le
travail l’alpha et l’oméga de la croissance et du développement, et que le pays
aurait besoin d’un électrochoc libéral tant qu’un mouvement souverainiste, à l’échelle
internationale, et le retour sage aux États-nations n’ait renversé la tendance.
De même qu’il
serait nécessaire de rééquilibrer les finances publiques et de mettre le
haut-là à la dérive de la dette non en vertu de l’orthodoxie budgétaire allemande
ou d’une idolâtrie des critères de Maastricht mais parce les déficits attentent
à notre indépendance nationale en mettant le pays à la merci de ses créanciers
(les fonds souverains des pétromonarchies arabes en particulier), des agences
de notation et de la finance internationale qui siège à New-York et à Londres.
Le péché
originel de Florian Philippot est d’être un souverainiste venu du chevènementisme,
un souverainiste de gauche donc, et de célébrer l’État, le social, le
colbertisme et le syndicalisme, comme une certaine gauche sociale le faisait
jadis, en empruntant les bottes du gaullisme. Philippot est aussi un as de la
sociologie électorale. Depuis 2012, il préside à la stratégie et à la
communication du FN, et s’il n'est que l'un des quatre vice-présidents du
parti, il est le No 2 officieux, et l'artisan, avec Louis Alliot, de la réorientation
idéologique du mouvement.
Il est l’artisan
de la dédiabolisation du parti et surtout, de mon point de vue, de sa transformation du parti populiste et bonapartiste des origines en quelque chose
qui prend les contours d'un parti légitimiste. Marine Le Pen
transgresse le clivage droite-gauche et sa démarche consiste ni plus ni moins que de renouer avec une forme d'union
sacrale entre le peuple et ses représentants (voir mes articles sur Boulevard Voltaire du 6 avril 2015 et du 14 avril 2015).
Cette
réorientation signée Philippot a permis des
gains électoraux spectaculaires, doublant les suffrages du FN,
les faisant passer d'un étiage de 10 ou 15 % en 2012 à un palier de 25 ou 30 %,
ceci en ratissant les voix de gauche, mais au prix d’une stratégie électorale périlleuse, et du grand écart entre le vote social-souverainiste des classes populaires,
dans les nouveaux bastions du nord et de l’est, sensibles aux positions
sociales et étatistes et le vote libéral-identitaire des classes moyennes, dans
les bastions historiques situés au sud.
Le défi pour le FN est de trouver les 10 % de voix qui lui manque pour
atteindre une base de 40 % de l'électorat (en comptant sur un report de 10 %
supplémentaire pour les élections majoritaires à deux tours) et ainsi sortir du
piège du front républicain et du tripartisme, sans faire s'effondrer son
fragile attelage. Le pari de Philippot est de chercher ces 10 % à gauche, parce
qu’il estime, à juste raison, que la gauche est plus fragile que la droite
parlementaire, et le PS plus susceptible d’exploser que l’UMP, et aussi parce
que les classes populaires (ouvriers et employés) représentent toujours 60 % de
l’électorat.
La stratégie politique
est comme un pari pascalien. Il faut parfois tabler sur des événements qui ne se sont pas produits. Des temps difficiles
peuvent survenir, du fait des déséquilibres commerciaux internationaux, des guerres
et des mouvements de migration ou des folies financières de la
mondialisation, et ce qui peut paraître comme improbable pour l'instant -la sortie
de l'euro, la fin de Schengen ou la désintégration de l’Union européenne ou l’inversion
du processus de mondialisation- pourra nous sembler naturel dans quelques
années et les dirigeants du FN auront alors beau jeu de souligner qu'ils
avaient une nouvelle fois raison avant tout le monde et le pouvoir tombera comme
un fruit mûr dans leur escarcelle.
Philippot est mal
compris parce qu'il voit loin et anticipe ce que la plupart des acteurs ne distinguent pas encore. Philippot incarne le nouveau
souverainisme de droite, national et social, colbertiste et corporatiste,
populaire et identitaire et modérément conservateur sur les questions
sociétales, et en fait toute la tradition gaulliste.
Florian
Philippot est la quadrature du cercle du FN. Il est
inattaquable en raison même de ce qui, en d'autres circonstances, aurait été rédhibitoire
: son transfert du souverainisme de gauche, ses origines modestes, ses études
brillantes et son parcours méritocratique et même son homosexualité. Ses
adversaires de gauche ne pouvant l'attaquer sur ses idées, sur son honnêteté, sur
ses bonnes manières et sa civilité, tentent de le psychiatriser, comme
l'ignominieux Julien Dray, lui-même un délinquant multirécidiviste, qui dernièrement
conseillait une psychothérapie au stratège du FN.
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