mardi 22 novembre 2016

Haro sur Philippot !!!


Article inédit du 21 juin 2015 (proposé à Boulevard Voltaire)
A ces mots on cria haro sur le baudet, ce pelé, ce galeux d'où venait tout le mal. Ça tombe comme à Gravelotte pour Florian Philippot depuis que Julien Rochedy a été débarqué de ces fonctions de président des jeunes du FN et qu’il le canarde, lui et les petits mecs qui l’entourent d’assez près, comme une poule d’eau à l’ouverture de la chasse !
Rochedy avait tout pour lui -le charme, l’élégance et l’intelligence- mais parce que sa tête avait enflé comme un melon et que son égo ne passait plus par les portes, il a voulu brûler les étapes et devenir calife à la place du calife. Marine Le Pen et l’âme damnée qui veille à ses côtés l’ont renvoyé à ses études et depuis, fort déçu, le jeune Rochedy balance à tout va, et plutôt en-dessous de la ceinture, très en-dessous même.
Haro sur Philippot, surenchérit aussi Jean-Marie Le Pen, et avec lui les ultras qui restent au FN, qui dénoncent les travers gauchiste et gaulliste du lieutenant de Marine Le Pen, parce qu'ils préfèrent le confort de l’opposition aux responsabilités du pouvoir et les avantages de la posture tribunitienne sans les inconvénients d’avoir à faire des compromis et de nouer des alliances.
Haro sur Philippot, lancent à leur tour les pragmatiques (Jean-Yves Le Gallou, Paul-Marie Couteaux, Robert Ménard), depuis les dernières cantonales, décevantes pour les frontistes en raison du mauvais report de voix des électeurs de droite, du fait des positions étatistes et anti euro, ou celles sur le mariage homosexuel. Ces UMP-compatibles prônent une ligne plus droitière libérale-conservatrice sur les mœurs et l’économie.
Haro sur Philippot, enfin de la part des identitaires, dont Marion Maréchal Le Pen est devenue l’égérie et Aymeric Chauprade le porte-parole, pour qui les menaces sur l'identité française du fait de l’islamisation du pays, et du grand remplacement populationnel, est le combat prioritaire à mener, alors que la patronne du parti tâche de se tenir à une distance respectable des deux types d’obsessionnels -antijuifs ou antimusulmans- qui gravitent autour du FN et qui pourraient nuire à son entreprise de dédiabolisation.
La France aurait certainement besoin de plus de libéralisme économique, non pas en soi, par soumission aux dogmes libre-échangistes, mais parce nous sommes en décalage avec un monde qui a fait de la liberté d’entreprendre et de la primauté du capital sur le travail l’alpha et l’oméga de la croissance et du développement, et que le pays aurait besoin d’un électrochoc libéral tant qu’un mouvement souverainiste, à l’échelle internationale, et le retour sage aux États-nations n’ait renversé la tendance.
De même qu’il serait nécessaire de rééquilibrer les finances publiques et de mettre le haut-là à la dérive de la dette non en vertu de l’orthodoxie budgétaire allemande ou d’une idolâtrie des critères de Maastricht mais parce les déficits attentent à notre indépendance nationale en mettant le pays à la merci de ses créanciers (les fonds souverains des pétromonarchies arabes en particulier), des agences de notation et de la finance internationale qui siège à New-York et à Londres.
Le péché originel de Florian Philippot est d’être un souverainiste venu du chevènementisme, un souverainiste de gauche donc, et de célébrer l’État, le social, le colbertisme et le syndicalisme, comme une certaine gauche sociale le faisait jadis, en empruntant les bottes du gaullisme. Philippot est aussi un as de la sociologie électorale. Depuis 2012, il préside à la stratégie et à la communication du FN, et s’il n'est que l'un des quatre vice-présidents du parti, il est le No 2 officieux, et l'artisan, avec Louis Alliot, de la réorientation idéologique du mouvement.
Il est l’artisan de la dédiabolisation du parti et surtout, de mon point de vue, de sa transformation du parti populiste et bonapartiste des origines en quelque chose qui prend les contours d'un parti légitimiste. Marine Le Pen transgresse le clivage droite-gauche et sa démarche consiste ni plus ni moins que de renouer avec une forme d'union sacrale entre le peuple et ses représentants (voir mes articles sur Boulevard Voltaire du 6 avril 2015 et du 14 avril 2015).
Cette réorientation signée Philippot a permis des gains électoraux spectaculaires, doublant les suffrages du FN, les faisant passer d'un étiage de 10 ou 15 % en 2012 à un palier de 25 ou 30 %, ceci en ratissant les voix de gauche, mais au prix d’une stratégie électorale périlleuse, et du grand écart entre le vote social-souverainiste des classes populaires, dans les nouveaux bastions du nord et de l’est, sensibles aux positions sociales et étatistes et le vote libéral-identitaire des classes moyennes, dans les bastions historiques situés au sud.
Le défi pour le FN est de trouver les 10 % de voix qui lui manque pour atteindre une base de 40 % de l'électorat (en comptant sur un report de 10 % supplémentaire pour les élections majoritaires à deux tours) et ainsi sortir du piège du front républicain et du tripartisme, sans faire s'effondrer son fragile attelage. Le pari de Philippot est de chercher ces 10 % à gauche, parce qu’il estime, à juste raison, que la gauche est plus fragile que la droite parlementaire, et le PS plus susceptible d’exploser que l’UMP, et aussi parce que les classes populaires (ouvriers et employés) représentent toujours 60 % de l’électorat.
La stratégie politique est comme un pari pascalien. Il faut parfois tabler sur des événements qui ne se sont pas produits. Des temps difficiles peuvent survenir, du fait des déséquilibres commerciaux internationaux, des guerres et des mouvements de migration ou des folies financières de la mondialisation, et ce qui peut paraître comme improbable pour l'instant -la sortie de l'euro, la fin de Schengen ou la désintégration de l’Union européenne ou l’inversion du processus de mondialisation- pourra nous sembler naturel dans quelques années et les dirigeants du FN auront alors beau jeu de souligner qu'ils avaient une nouvelle fois raison avant tout le monde et le pouvoir tombera comme un fruit mûr dans leur escarcelle.
Philippot est mal compris parce qu'il voit loin et anticipe ce que la plupart des acteurs ne distinguent pas encore. Philippot incarne le nouveau souverainisme de droite, national et social, colbertiste et corporatiste, populaire et identitaire et modérément conservateur sur les questions sociétales, et en fait toute la tradition gaulliste.
Florian Philippot est la quadrature du cercle du FN. Il est inattaquable en raison même de ce qui, en d'autres circonstances, aurait été rédhibitoire : son transfert du souverainisme de gauche, ses origines modestes, ses études brillantes et son parcours méritocratique et même son homosexualité. Ses adversaires de gauche ne pouvant l'attaquer sur ses idées, sur son honnêteté, sur ses bonnes manières et sa civilité, tentent de le psychiatriser, comme l'ignominieux Julien Dray, lui-même un délinquant multirécidiviste, qui dernièrement conseillait une psychothérapie au stratège du FN.


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