mardi 1 novembre 2016

Pourquoi Juppé va se planter et le parti Ricain s'éparpiller façon puzzle

Article publié le 3 juin 2015 dans le journal en ligne Boulevard Voltaire

Je sais, tous les sondages donnent Juppé gagnant aux primaires des Ricains (1), ou de l'ex-UMP. Elles ne sont faites que pour nous enfumer, ces enquêtes d'opinion, comme celles proclamant Valls le meilleur candidat de gauche. Elles ne sont valables qu'en théorie, toutes choses étant égales par ailleurs, comme on dit dans les modèles d'économie, en système de concurrence pure et parfaite. Du reste Juppé lui-même a posé les données du problème quand il déclare: "Nicolas Sarkozy a le parti, moi j'ai l'opinion".
Dans notre système, jamais l'opinion n'a fait l'élection ! Il faut avoir un grand parti, avec une légitimité et des troupes derrière soi pour recevoir l'onction présidentielle, ne serait-ce que symboliquement. Sinon nous aurions eu Rocard, Balladur ou Delors Présidents, ces chouchous de l'opinion dégonflés comme des soufflés quand les choses sérieuses ont commencé.
Car Juppé n'apparaît gagnant que si l'on prend en compte le centre droit et le centre gauche, soit les électeurs de l'UDIdu Modem et même les sympathisants socialistes qui voudraient bien se déplacer pour élire le champion de la droite.
Or, d'abord on ne connaît pas encore les règles des primaires. Seront-elles limitées aux adhérents des Républicains, donc à l'avantage de Sarkozy ? Ou alors très ouvertes, comme le souhaitent Juppé ou Fillon, mais alors à quelles conditions ? La question est vitale et des conflits sont à prévoir, et il n'est pas dit que nous n'assistions derechef à des batailles de procédure similaires à la guerre Copé-Fillon de 2013.
Deuxième obstacle de taille pour Juppé, les sympathisants de gauche n'ont vraiment aucun intérêt à avoir un opposant de centre-droit face au candidat de centre-gauche lors du premier tour. Ils ont tout avantage à pouvoir combattre un Sarkozy, plus à droite, qui mordra moins sur les voix modérées, et ils n'iront donc pas voter pour Juppé.
Enfin la sociologie politique et la cuisine électorale de notre pays fait que Juppé soutenu par l'UDI et le Modem se trouvera déporté au centre face à un Sarkozy plus à droite. Or sous la Ve Republique, il est un principe immuable: au premier tour, on rassemble son camp, en intégrant les marges, et au second tour seulement, on élargit au centre, comme je l'expliquais dans un article précédent sur la gauche.
Si Juppé se voyait investi, il sera un candidat de centre-droit. Il perdra à la droite de son parti les voix qu'il gagnerait au centre, au profit des souverainistes, Marine Le Pen en tête, et des autres partisans d'une droite forte. Il aurait toutes les chances de faire un mauvais score qui le disqualifierait pour le second tour, comme tous les candidats déportés au centre dans le passé, de Chaban à Barre et de Balladur à Bayrou.
Mais on n'en arrivera pas là. Le plus probable sera que Sarkozy l'emportera sur Juppé parce qu'il aura imposé ses vues sur les primaires ou qu'il aura convaincu suffisamment de centristes qu'il serait le meilleur rassembleur de la droite et son champion gagnant face aux socialistes. Il ne restera alors à ce pauvre Juppé et à ses partisans qu'à aller rejoindre leurs amis centristes en s'inscrivant au Modem ou à l'UDI. 




(1) Ricain, comme Américain, ou comme Parti républicain, tant la droite française sous l'emprise de Sarkozy est devenue américaine. 

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